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Edito

Le législateur-régulateur, amplificateur de risques.  3ème volet : Deux nouvelles illustrations issues de l’actualité. Que sait-on de la loi Sapin III ?

Experte Fonction Risk Manager et Gestion des Risques, enseignant et chercheur en gestion à l'Université Toulouse II, Caroline AUBRY propose un blog axé sur des sujets d'actualité concernant le risque, la gestion des risques et la fonction de RM. Les sujets proposés sont issus d'articles cités en référence et d'analyses issues de ses propres réflexions. Son blog :

  • définition / risques liés au télétravail / contexte)
  • démarche de gestion des risques : nommer le risque, l'identifier à partir de ses causes et de ses conséquences / réglementation et amplification du risque)
  • propositions de plans d'actions

Cinq ans après la naissance de la loi Sapin2, la France donne son feu vert à ce qui ressemble à une nouvelle loi « Sapin 3 ». Alors que Sapin 2 a marqué un véritable tournant dans la lutte contre la corruption en France en introduisant des changements significatifs, en créant l’Agence Français Anticorruption (AFA), et en ajoutant une dimension préventive qui n’existait pas ailleurs : l’obligation pour certaines entreprises privées de mettre en place des mesures anti-corruption, la France propose une refonte sérieuse de sa législation. Un nouveau projet de loi promet un nouveau souffle à la lutte contre la corruption en France.

Dans leur rapport rendu le 7 juillet 2021, les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, co-rapporteurs de la Commission des lois de l'Assemblée nationale chargée de l'évaluation de la loi Sapin 2, dressent un bilan positif de la loi Sapin II, mais notent que la France n'a pas progressé dans les indices internationaux de perception de la corruption depuis 2015. Ils ont relevé qu'en 2020, la France était classée 23e sur l'IPC de Transparency International, au même niveau qu'en 2015. Ils font donc 50 propositions pour donner un nouveau souffle à la loi Sapin 2 pour renforcer la lutte contre la corruption en France. Le projet de loi n°4586 est directement inspiré du rapport. Certains des changements proposés sont certainement intéressants pour les responsables de la conformité et les praticiens de la lutte contre la corruption. Voici quelques extraits pertinents

  1. Modification du périmètre de l'AFA et création d'une nouvelle Autorité

Alors que la performance de l'AFA a été saluée dans le rapport pour avoir permis « d'installer et de crédibiliser le dispositif issu de la loi Sapin 2, tant du point de vue des entreprises que de nos partenaires étrangers », le rapport considère que la système devrait être encore renforcé. Le rapport propose de redéfinir et de recentrer les missions de l'AFA sur la coordination administrative. L'AFA serait désormais principalement chargée de centraliser et de partager les informations pour prévenir et détecter la corruption. Le rôle de l'AFA en tant que conseiller stratégique serait aboli. Il est proposé de transférer les fonctions de conseil et de contrôle de l'AFA sur les programmes de conformité anti-corruption à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique , ou la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en anglais (HATVP) - une agence actuellement chargée d'identifier et prévenir les conflits d'intérêts potentiels entre les fonctionnaires français. Le rapport suggère de créer une agence administrative indépendante unique pour les questions d'intégrité.

  1. Sapin 2 s'appliquera à plus d'entités

Parmi les autres points à améliorer, le périmètre des entités soumises aux obligations de prévention et de détection prévues à l'article 17 de la loi Sapin 2 serait élargi. Actuellement, la loi permet aux « petites » filiales françaises (moins de 500 salariés, moins de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires) de « grands » groupes étrangers de ne pas être soumises à l'article 17 de la loi Sapin 2. Le rapport recommande de supprimer la condition relative à l'implantation en France du siège social de la société mère, afin de soumettre aux obligations prévues à l'article 17 les petites filiales de grands groupes étrangers établies en France, dès que la société mère dépasse les seuils prévus par la loi Sapin 2 (plus de 500 salariés et au moins 100 millions d'euros de chiffre d'affaires). Cela ouvrirait la porte à une égalité de traitement entre les petites filiales de grands groupes implantées en France, que la maison mère soit ou non établie en France. Par ailleurs, les députés notent que l'article 3 de la loi Sapin 2 prévoit que la compétence de l'Agence française de lutte contre la corruption s'étend aux personnes publiques, mais la loi ne précise pas, la nature des obligations qui lui incombent ni ne prévoit de toute sanction en cas d'insuffisance ou de non-respect de ces obligations. Par conséquent, ils jugent nécessaire de créer des obligations de conformité adaptées aux administrations publiques, qui seraient adaptées à leur taille et aux risques auxquels elles sont exposées.

  1. En savoir plus sur la Convention judiciaire d'intérêt public(CJIP)

Depuis sa mise en œuvre par la loi Sapin II, la CJIP (l'équivalent français du Deferred Prosecution Agreement, ou DPA) a connu un succès important. Les CJIP tout comme les DPA sont utilisées comme une alternative aux poursuites et permettent aux personnes morales soupçonnées d'infractions financières d'opter pour une solution négociée avec le parquet plutôt que d'encourir un procès pénal. Les rapporteurs ont insisté sur la nécessité de promouvoir la CJIP car elle assure la justice transactionnelle et assure la résolution rapide des litiges transfrontaliers. Les rapporteurs souhaitent enrichir la CJIP en l'étendant au délit de « favoritisme » et en protégeant davantage les documents et informations communiqués par la personne morale aux autorités judiciaires lors de la phase de négociation. Les rapporteurs n'ont pas recommandé d'étendre la CJIP aux particuliers. Ils favorisent la création d'une Comparaison sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) spécifique aux infractions de corruption, sous réserve de la divulgation volontaire et de la coopération de l'individu. . Les rapporteurs ont suggéré que les enquêtes internes menées dans le cadre d'une CJIP soient encadrées en donnant au parquet la possibilité de désigner un mandataire ad hoc en charge de l'enquête interne et en introduisant de nouveaux droits pour les personnes interpellées (droit d'être assisté d'un avocat, droit de connaître les faits qui leur sont reprochés, etc.). Enfin, la commission propose d'offrir plus de garanties aux entreprises lors des négociations, afin d'encourager les auto-divulgations volontaires. Des exemples de garanties pourraient inclure (i) une meilleure prise en compte du degré de coopération et (ii) une réduction de l'amende selon un barème qui serait rendu public.

  1. Plus de protections pour les lanceurs d'alerte

Les rapporteurs ont estimé que les risques de représailles à l'encontre des lanceurs d'alerte et le manque de soutien financier constituent des obstacles à l'utilisation efficace des canaux d'alerte. Le rapport a souligné qu'à l'heure où la France doit transposer la directive européenne du 23 octobre 2019 sur les lanceurs d'alerte, il est essentiel d'assurer une meilleure protection des lanceurs d'alerte pour renforcer le cadre d'alerte existant. Le projet de loi de transposition qui doit être discuté en novembre prochain à l'Assemblée nationale s'inspire directement du rapport Gauvain-Marleix et reprend un grand nombre de ses propositions. Il a été suggéré dans le rapport de créer un système plus incitatif et d'offrir une meilleure protection aux lanceurs d'alerte en modifiant les critères d'admissibilité existants. Le critère du « désintéressement », jugé trop vague, a été demandé de supprimer. Les procédures de signalement seraient simplifiées en supprimant l'obligation actuelle de faire d'abord signaler par le lanceur d'alerte les faits répréhensibles en interne, et en autorisant plutôt les lanceurs d'alerte à contacter directement les autorités, sous réserve que des conditions spécifiques soient remplies garantissant leur anonymat et la confidentialité des documents transmis. Une liste de représailles contre lesquelles les lanceurs d'alerte seraient protégés a été détaillée, et la création d'une sanction civile dissuasive et d'un délit de « représailles contre un lanceur d'alerte » ont été suggérées. Le Défenseur des droits serait chargé de se prononcer sur la bonne foi d'un lanceur d'alerte, ainsi que de surveiller le traitement des alertes.

De Sapin 2 à Sapin 3 ? Tous ces changements proposés promettent certainement de renforcer la lutte contre la corruption en France. Je suivrai attentivement les futures discussions parlementaires sur la prochaine loi « Sapin 3 » et donnerai des conseils sur ses résultats futurs. Avis de non-responsabilité : les opinions exprimées sur cette page sont personnelles. Les informations fournies ici ne constituent pas, et ne sont pas destinées à, constituer des conseils juridiques ; au lieu de cela, tous les exemples, médias, contenus et documents disponibles sur cette page sont uniquement à des fins d'information générale et d'orientation de conformité. Il est conseillé aux lecteurs de contacter un avocat de la juridiction concernée pour obtenir des conseils concernant toute question juridique particulière ou développement juridique partagé ici.

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