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Edito

LE LEGISLATEUR-REGULATEUR, AMPLIFICATEUR DE RISQUE. DEUX NOUVELLES ILLUSTRATIONS ISSUES DE L’ACTUALITE.

Experte Fonction Risk Manager et Gestion des Risques, enseignant et chercheur en gestion à l'Université Toulouse II, Caroline AUBRY propose un blog axé sur des sujets d'actualité concernant le risque, la gestion des risques et la fonction de RM. Les sujets proposés sont issus d'articles cités en référence et d'analyses issues de ses propres réflexions. Son blog :

  • définition / risques liés au télétravail / contexte)
  • démarche de gestion des risques : nommer le risque, l'identifier à partir de ses causes et de ses conséquences / réglementation et amplification du risque)
  • propositions de plans d'actions

RAPPEL LOI SAPIN II La loi Sapin II vise à prévenir les risques de blanchiment des capitaux, de financement du terrorisme et de la corruption – la corruption est le fait pour toute personne de solliciter une personne dépositaire de l’autorité publique, moyennant rémunération, un acte relevant de ses fonctions –. Elle propose six mesures pour cartographier le risque de corruption et le prévenir au niveau organisationnel et individuel. Cette loi n’oblige pas à une communication extérieure spécifique mais elle engage la responsabilité personnelle des dirigeants et celle de la société en tant que personne morale. Nicolas Dufour et moi-même présentons davantage la loi Sapin II ainsi que les réglementations en vigueur et la soft-law (principe de précaution) dans notre ouvrage ; voir « La Fonction Risk Manager. Organisation. Méthodes et Positionnement », Ed Gereso, p.50. https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

LIRE OU RELIRE Vous pouvez également lire ou relire d’autres articles sur ce sujet sur le blog dans les rubriques corruption et/ou Loi Sapin II ou en recherchant par mots clés ou dans les archives mensuelles par date. Par exemple, un article présentant les principaux résultats de l’enquête de l’Agence Française Anticorruption avec un lien pour y accéder, un article sur la cartographie des risques de corruption, un article intitulé « Trois ans après, où en sont les entreprises ? »

RISQUE DE CORRUPTION : LES PROGRES. LE CHEMIN A PARCOURIR Cinq ans après la naissance de la loi Sapin 2, le cabinet de Bruno Le Maire donne son feu vert à ce qui ressemble à une nouvelle loi « Sapin 3 ». La loi Sapin 2 a marqué un véritable tournant dans la lutte contre la corruption en France en introduisant des changements importants dans la loi, en créant l’Agence française de lutte contre la corruption, et en ajoutant une dimension préventive qui n’existait pas ailleurs : l’obligation pour certaines entreprises privées de mettre en place des mesures anti-corruption. Dans leur rapport rendu le 7 juillet 2021, les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, corapporteurs de la Commission des lois de l’Assemblée nationale chargée de l’évaluation de la loi Sapin 2, dressent un bilan positif de la loi Sapin II, mais notent que la France n’a pas progressé dans les indices internationaux de perception de la corruption depuis 2015. Ils ont relevé qu’en 2020, la France était classée 23e sur l’IPC de Transparency International, au même niveau qu’en 2015. Je vous propose ci-dessous un article très complet qui fait le point sur les progrès accomplis et le chemin qui reste à parcourir avant d’aborder dans un prochain article ce que l’on sait de la loi Sapin III. Risque de corruption : l’OCDE pointe les progrès de la France mais souligne le chemin lui restant à parcourir pour protéger les entreprises

Des progrès sont avérés mais la France doit encore intensifier ses efforts Le Groupe de travail sur la corruption, qui regroupe 44 pays de l’OCDE, a publié fin 2021 un rapport évaluant les progrès effectués depuis 2012 par la France dans la mise en œuvre de l’infraction de Corruption d’Agent Public Etranger (CAPE).

Les progrès réels de la lutte anticorruption Le verdict est globalement positif : en quelques années, la France est devenue un interlocuteur « crédible » en matière de lutte contre la CAPE, et ce grâce à une restructuration profonde de son cadre législatif anti-corruption. Plusieurs réformes sont à l’origine de ces progrès. D’abord, la création en 2013 du PNF (Parquet National Financier) et d’un service de police judiciaire dédié à la criminalité financière (OCLCIFF) ont permis d’augmenter le nombre de sanctions pénales pour corruption. Ensuite, la loi Sapin 2, qui a permis d’introduire dans le droit français une obligation de conformité pour les entreprises. Ces mesures préventives, alliées à l’introduction de la justice négociée par CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public) ont radicalement transformé la responsabilité des personnes morales. Désormais, les entreprises sont intégrées à la stratégie de lutte anticorruption, puisqu’elles sont tenues – en amont – de prévenir les cas potentiels et – en aval – de prendre des mesures correctives et de coopérer avec les autorités. Depuis 2012, 14 affaires de CAPE ont été résolues, aboutissant à la sanction de 19 personnes physiques et 23 personnes morales. Parmi ces affaires, 5 ont été résolues hors procès, grâce à une CJIP. Au demeurant, ces poursuites ont ciblé des acteurs économiques de grande envergure comme entre autres Airbus, Bolloré SE ou Systra. Selon le rapport, il s’agit d’un véritable progrès si l’on compare à la période pré-2012, au cours de laquelle seules 3 condamnations de personnes physiques (et aucune personne morale) avaient eu lieu, pour des affaires d’envergure mineure. Cependant, même si ces résultats sont encourageants, le rapport met aussi en lumière un certain nombre de vulnérabilités du modèle français.

Des acquis fragiles, à consolider d’urgence Même si le nombre d’enquêtes ouvertes pour CAPE a été multiplié par 3,5 depuis 2012, seulement 13% d’entre elles ont donné lieu à des condamnations ou à un règlement par CJIP. Cette proportion est très faible par rapport aux économies européennes comparables, pour lesquelles 39% des enquêtes donnent lieu à une condamnation. Par ailleurs, un nombre important d’allégations n’ont donné lieu à aucune enquête. Selon le rapport, cette insuffisance n’est pas liée à une absence de volonté politique, mais au manque de ressources affectées à l’ensemble des maillons de la chaîne pénale. L’augmentation de ces moyens est donc une condition sine qua non à l’efficacité de la lutte anticorruption en France. Le Groupe estime aussi que les avancées de la France sont fragilisées par certaines réformes récentes ou en cours. En 2021, par exemple, la durée d’enquête préliminaire a été limitée à trois ans : le rapport recommande d’allonger cette durée, afin de s’assurer de disposer de tous les éléments nécessaires à une sanction rapide et efficace Autre hic : la possible refonte de l’AFA et de ses missions, envisagée par la proposition de loi déposée fin 2021 par le député Raphaël Gauvain, suscite des inquiétudes quant à la poursuite du travail d’accompagnement et de contrôle des entreprises. Le Groupe recommande donc de tout faire pour préserver les missions et les moyens alloués à l’AFA. Le reste des recommandations concerne surtout la poursuite des avancées entamées : préserver le rôle d’enquête du PNF (ciblé par des critiques après la condamnation de Nicolas Sarkozy), poursuivre les efforts afin de développer une justice négociée efficace grâce aux CJIP, et continuer à améliorer la coordination entre les différents services pour l’émergence d’une justice mieux coordonnée. La France ne doit donc pas relâcher ses efforts, et cela semble en bonne voie à ce jour : parmi les chantiers actuels, on peut citer la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire visant à renforcer l’indépendance du parquet (adoptée fin 2021), ou encore la transposition (en cours) de la disposition européenne sur les lanceurs d’alerte. Fin 2023, la France présentera à l’OCDE un rapport détaillant les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations.

Cas détectés : la partie émergée de l’iceberg ? Plus globalement le rapport estime que le nombre de cas détectés est probablement dérisoire par rapport au profil économique de la France et au nombre d’allégations de corruption dans les médias. En tant qu’acteur majeur dans l’économie mondiale, la France est en effet très présente dans des juridictions à haut risque comme l’Asie ou l’Afrique, et les entreprises françaises s’exposent dans des domaines risqués : aéronautique et spatial, production d’énergie nucléaire, industries manufacturières et extractives, armement, construction… L’une des priorités, selon le rapport, doit donc être l’amélioration de la détection. La France a déjà pris certaines mesures afin d’améliorer la coordination entre ses services : par exemple en 2020, la circulaire Belloubet a enjoint les intervenants à « exploiter l’ensemble des canaux de signalement existants ». Mais ces canaux, comme les postes diplomatiques ou les lanceurs d’alertes, ont été très peu utilisés ; la grande majorité des affaires poursuivies étant toujours détectées par Tracfin, la cellule de renseignement française anti-blanchiment, on peut dire que la diversification des sources d’alerte n’a pas fonctionné. Résultat : à ce jour, un grand nombre d’affaires n’ont pas été détectées par les autorités françaises… Mais par des autorités étrangères.

Aux entreprises d’agir à l’international Ce cas de figure fréquent, en plus d’alerter sur l’efficacité relative des mesures déployées, peut être lourd de conséquences pour les entreprises françaises. Lorsqu’une autorité étrangère détecte un cas de CAPE, il est en effet d’autant plus probable que cela donne lieu à des poursuites contre des sociétés qui, à l’international, doivent naviguer dans une multiplicité de législations locales et extraterritoriales. Pour se protéger d’une telle éventualité, la compliance reste la principale arme des firmes françaises. Et un grand nombre d’entre elles semble en avoir pris conscience : on peut ainsi voir, derrière le récent classement EcoVadi[s](https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/mediateur-des-entreprises/Communique_de_presse_etude_EcoVadis VF.pdf?utm_source=Compliances%2C+la+newsletter&utm_campaign=b517638167-EMAIL_CAMPAIGN_2_14_2020_12_12_COPY_01&utm_medium=email&utm_term=0_1711e8d6c0-b517638167-361849858) qui place les entreprises françaises à la 3ème position mondiale en matière de responsabilité sociale et d’achats responsables, l’influence de la loi Sapin 2 et l’importance accordée aux due diligences d’intégrité avant de s’associer à un partenaire commercial tiers. Là aussi, les progrès restent pourtant à relativiser. Fin 2020, un baromètre a révélé que les entreprises françaises peinent à développer une vision d’ensemble des risques à l’étranger : réglementations locales, coutumes et pratiques à risque, connaissance des partenaires locaux… Les entreprises ont, elles aussi, un long chemin à parcourir et de nombreux efforts à fournir. Faciliter la détection et la sanction des infractions pour les services de l’Etat et mieux prendre en main les enjeux de conformité pour les entreprises : telles sont les deux conditions qui semblent aujourd’hui indispensables pour confirmer les progrès de la France dans la lutte contre la corruption internationale.
Brune Lange ; 20 janvier 2022

Sources

SKAN1 Outlook : La CJIP de l’affaire AIRBUS
SKAN1 Outlook : La CJIP Systra pour corruption en Asie Centrale

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